Substituts nicotiniques


Les symptômes de manque de nicotine, notamment l'envie impérieuse de cigarette, sont l'obstacle majeur à la réussite d'une désaccoutumance tabagique. L'objectif des substituts nicotiniques (Nicotine Replacement Therapy NRT) est d'atténuer les symptômes de manque, permettant ainsi au fumeur de porter toute son attention sur le changement de ses habitudes tabagiques, soit sur le remplacement des rituels et habitudes liés au tabagisme par d'autres activités et comportements.

 

Avantages des substituts nicotiniques

La désaccoutumance tabagique se heurte à deux difficultés, d'une part aux symptômes de manque qui peuvent être très accablants, d'autre part à l'organisation d'une vie sans cigarettes qui exige l'abandon de nombreux rituels et habitudes. Pour de nombreuses personnes, cette double contrainte de désaccoutumance et de modification du comportement est difficile à gérer simultanément. L'utilisation de substituts nicotiniques permettra d'atténuer les symptômes de manque de nicotine et laissera plus de force pour se concentrer sur le changement de comportement. L'utilisation de substituts nicotiniques pendant une période transitoire est donc judicieuse car elle donne le temps de changer ses habitudes et d'apprendre à gérer le quotidien sans tabac.

Changer ses habitudes prend du temps. C'est pourquoi les fabricants recommandent de prendre ces médicaments pendant trois mois. Des études ont toutefois montré que le taux de réussite d'une désaccoutumance après un an ne dépendait pas de la durée de prise des substituts nicotiniques (2 ou 3 mois). Il est ainsi également envisageable de continuer la prise de médicaments à base de nicotine après 3 mois écoulés, comme gommes à mâcher ou comprimés à sucer, si cela peut éviter une rechute.

 

Risques et fréquence de la dépendance aux produits nicotiniques

Le risque de développer une dépendance aux substituts nicotiniques est relativement faible. En fait, le fumeur est déjà dépendant à la nicotine et aucune nouvelle substance n'est introduite. De plus, les taux plasmatiques de nicotine obtenus avec les substituts nicotiniques n'atteignent jamais ceux observés lors de tabagisme actif, car ces produits agissent beaucoup plus lentement et l'afflux de nicotine dans le système nerveux central est bien plus faible. Une certaine désensibilisation ("down regulation") s'opère pendant la prise de substituts nicotiniques. Les études menées en Suisse sur les substituts nicotiniques montrent que 4% des ex-fumeurs utilisent encore régulièrement ces produits après un an.

 

Surdosage

Le risque de surdosage est extrêmement faible chez les fumeurs "expérimentés", même si les médicaments sont utilisés en association (dispositifs transdermiques + traitement de substitution à effet rapide) ou que la personne fume parallèlement au traitement. La dose de nicotine absorbée en fumant est généralement plus élevée et l'afflux vers le système nerveux central est beaucoup plus rapide qu'avec les substituts nicotiniques. La libération de catécholamines est moins importante avec les substituts nicotiniques que lors de tabagisme. 

Les produits nicotiniques…

  • doublent, voire triplent le taux de réussite de la désaccoutumance tabagique.
  • sont tous en vente libre en pharmacie et en droguerie
  • ne contiennent pas de substance toxique comme les goudrons, les gaz irritants, le monoxyde de carbone, etc.
  • doivent être pris suffisamment longtemps (3 mois dans l'idéal) pour donner le temps de modifier ses habitudes.
  • ne doivent pas être trop faiblement dosés, sinon ils n'atténuent pas assez l'envie impérieuse ("craving") et ne permettent pas d'atteindre l'objectif fixé.
  • peuvent être utilisés en association, p.ex. le dispositif transdermique avec une gomme à mâcher.
  • ne sont pas des remèdes miracles. Ils aident à diminuer l'envie et les symptômes de manque.
  • peuvent être utilisés comme filet de sécurité dans les situations difficiles, même après trois mois.
  • comparés à la cigarette, agissent moins vite et atteignent des pics de concentration moins élevés.
  • peuvent également être recommandés à certains groupes de patients (malades du cœur, femmes enceintes) incapables d'arrêter de fumer autrement.
  • peuvent également être utilisés pour réduire progressivement la consommation de cigarettes (cf. "Réduire pour arrêter").

 

Taux de réussite d’une désaccoutumance par substituts nicotiniques

D'après les études, les substituts nicotiniques doublent, voire triplent le taux de réussite de la désaccoutumance tabagique, quel que soit le produit utilisé. La seule condition est toutefois que les médicaments soient pris pendant assez longtemps et à une dose suffisamment élevée. De nombreux fumeurs désireux d'arrêter utilisent ces médicaments de manière très prudente, les prennent à des doses trop faibles et interrompent le traitement trop tôt.

Durant la désaccoutumance, de nombreux facteurs différents jouent un rôle, comme p. ex. l'auto-efficacité (self-efficacy, le sentiment d'efficacité personnelle), l'endurance , le soutien social, la présence de troubles psychiques, etc.

L'efficacité des substituts nicotiniques peut être considérablement améliorée lorsque leur prise s'accompagne d'un suivi professionnel intensif.

 

Contre-indications

Pour de nombreuses personnes, l'utilisation de substituts nicotiniques peut être recommandée malgré les contre-indications évaluées par Swissmedic, principalement pour les personnes incapables d'arrêter de fumer autrement. Il s'agit notamment des femmes enceintes et des personnes souffrant de cardiopathie coronarienne. Les substituts nicotiniques doivent être privilégiés par rapport au tabagisme actif, car ils permettent d'éviter toutes les substances toxiques absorbées lors de la consommation de tabac.

 

Les substituts nicotiniques pendant la grossesse

Faut-il conseiller aux femmes enceintes de recourir aux substituts nicotiniques dans le cadre d’un arrêt du tabagisme? La question est controversée. La plupart des directives recommandent d’utiliser des substituts nicotiniques si la personne ne peut arrêter autrement. 

Il n’existe pour l’instant pas de données cliniques démontrant un effet nocif des médicaments à la nicotine sur le développement du fœtus.

Des études contrôlées contre placebo sont nécessaires pour évaluer la tolérance de diverses formulations de substituts nicotiniques au cours de la grossesse. En attendant des données de tolérance et d’efficacité définitives, il est prudent de limiter l'utilisation des patchs ou d’utiliser plutôt des substituts à administration intermittente comme les gommes, les comprimés ou l'inhaleur.

  • Il convient de recommander aux femmes enceintes d’arrêter de fumer sans médicament.
  • Pour celles qui n’arrivent pas à renoncer au tabac sans aide médicamenteuse, on recommandera malgré tout un substitut nicotinique afin qu’elles puissent arrêter leur consommation tabagique (au moins temporairement).
  • Il convient de recommander des substituts nicotiniques avec un effet de courte durée aux fumeuses enceintes et de renoncer au dispositif transdermique, qui libère de la nicotine en continu.
  • Les risques liés au tabagisme sont sans commune mesure avec les risques et effets secondaires des médicaments à la nicotine.

 

Les substituts nicotiniques pendant l'allaitement

L’exposition du nourrisson à la nicotine par l’intermédiaire d’une mère utilisant un traitement nicotinique de substitution est relativement faible par rapport à celle d’un fumeur utilisant un traitement nicotinique (Illett et al., 2003). Il est peu probable que ce niveau d’exposition faible soit dangereux pour le nourrisson.

La dose de nicotine ingérée par l’enfant dans le lait maternel peut être estimée à environ 113 µg par jour pour le bébé d’une fumeuse ou à 45 µg par jour pour le bébé d’une mère utilisant des patchs. Comme l’enfant ingère la nicotine oralement, la dose systémique est probablement encore bien inférieure. Les nicotinémies mesurées chez des nourrissons de mères allaitant sont assez faibles (entre 0 et 1,6 ng/ml) avec un rapport sérum nourrisson / sérum maternel de 0,06. L’exposition du nourrisson est donc relativement faible. 

 

Remboursement par les caisses-maladie

Les substituts nicotiniques ne sont pas remboursés par l'assurance de base. Ils le sont partiellement voire totalement dans le cadre des assurances complémentaires proposées par certaines compagnies. Il est recommandé de se renseigner auprès de son assurance maladie sur les conditions de remboursement.

 

Les produits nicotiniques en détail

Gommes de nicotine à mâcher (pastilles dépôt) 

Les gommes de nicotine à mâcher contiennent de la nicotine liée à un échangeur d'ions. Pour augmenter la résorption de la substance active par la muqueuse buccale, la gomme à mâcher renferme un tampon stabilisant le pH à 8.5, ce qui permet de déplacer l'équilibre vers la phase lipophile.

Mode d'emploi et particularités concernant l'utilisation :

  • utiliser une gomme à la fois.
  • éviter de boire simultanément des boissons acides (p. ex. boissons gazeuses, café, jus de fruits).
  • renoncer à la prise de nourriture et de boisson 15 minutes avant et après la mastication.

Contrairement à la désignation du produit, il ne s'agit pas d'un chewing-gum mais bien d'un médicament. Une instruction sur la technique correcte de mastication est essentielle pour que l'utilisation du produit soit couronnée de succès. Il faut mâcher un peu jusqu'à sentir un fort picotement dans la bouche, déposer alors la gomme entre la joue et la gencive pendant 1 à 2 minutes, puis mâcher à nouveau et ainsi de suite pendant environ 30 minutes (technique dite "park & chew") jusqu'à ce que la gomme ne renferme plus de nicotine. Si cette technique n'est pas respectée, le goût sera trop fort, et la nicotine, au lieu d'être absorbée par les muqueuses, sera avalée et atteindra l'estomac, d'où elle ne pourra pas atteindre la circulation sanguine. 
Avantages: résorption buccale rapide, dosage souple, association possible avec les dispositifs transdermiques.
Inconvénients: tolérance mitigée en société, effets indésirables au niveau local. Le produit est souvent mal utilisé.

 

Comprimés de nicotine à sucer et comprimés sublinguaux (microtabs)

Cette forme d'application représente une alternative à la gomme à mâcher et conviendra particulièrement aux personnes qui préfèrent absorber la nicotine de cette manière plutôt que de mâcher.

Important: renoncer à la prise de nourriture et de boisson 15 minutes avant, durant et après la prise du produit.
Avantages: résorption buccale rapide, dosage souple, usage discret.
Inconvénients: effets indésirables au niveau local.

Mode d'utilisation:

Comprimés à sucer:

  • Sucer lentement le comprimé, le déposer entre la joue et la gencive pour permettre à la muqueuse buccale d'absorber la nicotine. La technique alternant "sucer - mettre de côté" (park & chew) doit durer environ 30 minutes.
  • En cas d'irritation de la cavité buccale (sensation de brûlure, goût désagréable), faire une pause et laisser la pastille entre la joue et la gencive, puis continuer de sucer jusqu'à atteindre le temps d'utilisation normal de 30 minutes environ.

Comprimés sublinguaux:

  • Placer le comprimé (microtabs) sous la langue, où il fond lentement en l'espace de 30 minutes environ. Ne pas mâcher, ni sucer, ni avaler.

 

Patchs de nicotine

L'application transdermique par l'intermédiaire d'un système TTS permet d'administrer une dose de nicotine relativement constante. Lors de la première application d'un patch, la concentration plasmatique de nicotine augmente continuellement après un délai initial de 1-2 heures, pour atteindre un taux plasmatique maximal après 5-10 heures. Le patch peut également être utilisé avant l'arrêt du tabac. Des études à ce sujet ont montré que l'utilisation d'un patch 2 à 4 semaines avant l'arrêt du tabac multiplie par 2,2 les chances de réussir une désaccoutumance tabagique. (Mais en Suisse l'usage du patch avant l'arrêt n'est pas officiellement approuvé par Swissmedic.)

Avantages: utilisation simple, généralement bonne adhésion thérapeutique, libération continue de nicotine pendant 16 ou 24 heures, concentrations plasmatiques constantes.
Inconvénients: le laps de temps avant l'entrée en action de la nicotine est très long. De plus, la courbe du taux de nicotine est très plate par rapport à celle obtenue lors de tabagisme actif, et le fumeur n'est occupé ni avec les mains, ni avec la bouche, au contraire des autres substituts nicotiniques.
Important: si l'efficacité du patch s'avère insuffisante, il est judicieux de compléter le traitement avec un produit nicotinique à effet rapide, notamment dans les minutes qui suivent l'application du patch et le soir.

Mode d'utilisation:

  • Le patch Nicorette® s'utilise uniquement durant la journée, pendant 16 heures; on renoncera à un apport de nicotine durant la nuit. Le patch Nicotinell® est utilisé pendant 24 heures, sachant qu'environ deux tiers de la nicotine seront libérés dans les 12 premières heures et un tiers dans la deuxième partie de la journée (soit la nuit).
  • Changer chaque jour l'endroit où le patch est collé.
  • Appliquer le patch sur une surface de peau sèche et glabre, appuyer pendant 10 à 15 secondes en effectuant des mouvements circulaires. 
  • Se laver les mains après l'application du patch.
  • Eviter d'appliquer sur la peau des produits graissants, sinon le patch ne collera pas.

 

Inhaleur de nicotine

L'inhaleur de nicotine est composé d'un embout buccal qui renferme une cartouche (cylindre contenant un cœur synthétique chargé de nicotine). L'embout buccal (dont la forme ressemble à celle d'une cigarette) permet d'inhaler de la nicotine et du menthol. Il ne s'agit pas d'un véritable inhalateur, car la nicotine se dépose dans le pharynx d'où elle sera absorbée par la muqueuse buccale. Une absorption par les poumons n'a pratiquement pas lieu. En conséquence, les concentrations plasmatiques augmentent bien moins vite avec l'inhaleur que lors de tabagisme actif.

Efficacité: Une méta-analyse de 6 études, menées en double aveugle et contrôlées par placebo, avec un total de 1440 patients, a démontré l'efficacité de l'inhaleur, dont la forme d'application de la nicotine est très proche de celle de la cigarette.

Avantages: utilisation simple, embout buccal ressemblant à une cigarette, d'où son intérêt psychologique, dispositif recommandé pour les personnes portant une grande importance au rituel lié à la cigarette.
Inconvénients: Nécessite un temps d'adaptation de la part du fumeur car la nicotine n'est pas inhalée mais seulement crapotée.

Mode d'utilisation:

  • Crapoter sans inhaler. La nicotine est absorbée par la muqueuse buccale.
  • Une cartouche correspond à environ 4 cigarettes. La cartouche est vide après 4 utilisations à environ 20 minutes.

La dose maximale est atteinte après environ 20 minutes d'utilisation intensive.

 

Références

  • Cornuz J, Jacot-Sadowski I, Zellweger JP et al, Désaccoutumance au tabac: Mise à jour 2011, 1ere partie, Forum Med Suisse 2011;11(9):156–159 PDF
  • Cornuz J, Jacot-Sadowski I, Zellweger JP et al, Désaccoutumance au tabac: Mise à jour 2011, 2e partie, Forum Med Suisse 2011;11(10):172–176 PDF
  • Silagy C, Lancaster T, Stead L, et al. Nicotine replacement therapy for smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev 2007.
  • N Amodei, RJ Lamb, The role of nicotine replacement therapy in early quitting success. Nicotine and Tobacco Research Advanced Access published online on November 6, 2009. Nicotine and Tobacco Research, doi:10.1093/ntr/ntp164